
AGPAOC : les ports au cœur de la Zlecaf
Afrique de l’ouest, AGPAOC, Ports
La 43è réunion des directeurs généraux des ports d’Afrique de l’Ouest et du centre s’est déroulée à Lagos les 6 et 7 novembre. L’occasion pour les participants de mesurer le rôle des ports dans la Zlecaf.
Avec plus de 350 délégués, l’AGPAOC a tenu ses promesses pour sa 43è réunion. En provenance des pays d’Afrique de l’Ouest et du centre, les directeurs généraux des ports ont débattu du rôle de leurs établissements dans la Zlecaf.
Les ports, leviers incontournables à la réussite de la Zlecaf
La réunion a commencé avec un exposé de cadrage par Armand Hounto, consultant et conseiller éditorial Afrique de Ports et Corridors. Il a démontré que l’écosystème portuaire africain est un des leviers incontournables à la réussite du commerce intra-africain. Au cours de ces journées, les experts ont rappelé le continent africain compte pour moins de 3% du commerce mondial. De plus, les volumes d’échanges entre les États africains représentent environ 15% du total. Par comparaison, le commerce intracontinental de zones comme l’Union européenne pèse 60%. Dans ce contexte, avec 80% du tonnage et 70% des valeurs transportés par voie maritime, les experts considèrent que les opérateurs logistiques portuaires doivent être les premiers à tirer profit de la zone de libre-échange continentale.
Investir dans des infrastructures
Au regard des discussions, il apparaît que la Zlecaf doit permettre d’accroître le potentiel des échanges entre les États africains. Pour cela, il est nécessaire d’investir dans les infrastructures et les services portuaires. De plus, il ressort que le cabotage maritime doit être soutenu par tous les États signataires de la Zlecaf pour servir les besoins du commerce intra-africain. Et pour aller encore plus loin, les douanes nigérianes ont rappelé le rôle des autorités portuaires dans la lutte contre la pauvreté du continent.
Les douanes, des facilitateurs du commerce intra-africain
« Les douanes africaines doivent devenir des facilitateurs et des accélérateurs du commerce intra-africain grâce à la Zlecaf », indique l’AGPAOC. De leur côté les Douanes anticipent. Elles prévoient des programmes d’ajustements et le déploiement de nouvelles méthodes. Elles doivent soutenir une gestion plus efficace des procédures et des opérations dans le cadre de collaborations administratives étendues. Ces dernières seront accompagnées par des innovations technologiques qui vont profondément changer les pratiques.
Intégrer les actions du secteur privé
Cependant, la croissance des échanges intracontinentaux doit aussi intégrer des actions du secteur privé. La Zlecaf doit permettre le renforcement des relations de confiance et de collaboration entre le secteur privé et tous les acteurs publics, et notamment les ports. Pour parvenir à cet objectif de croissance du commerce intra-africain, les représentants de la Zlecaf ont insisté sur les investissements à réaliser pour une plus grande connectivité et une fluidité des échanges. « Les infrastructures doivent attirer des capacités de financement qui doivent autant être africaines qu’internationales. Les relations commerciales entre ports africains sont dérisoires car il n’existe pas de services maritimes dédiés à ces marchés de taille modeste mais en constante croissance », ont rappelé les responsables de la Zlecaf.
L’accompagnement des partenariats public/privé
Afin de pouvoir soutenir cet effort, les discussions ont porté sur les modalités de financement et la capacité des États signataires de la Zlecaf à soutenir le développement de flottes maritimes africaines. Elles doivent se mettre au service des potentiels de commerce de produits africains à destination des consommateurs africains. Or, la taille des navires et des infrastructures continuent de s’accroître, a souligné le directeur général de la Nigerian Ports Authority. Alors, ce mouvement mobilise de plus en plus de capital que le seul secteur public ne peut pas absorber. Pour y remédier, les partenariats publics-privés doivent accompagner l’accélération et l’augmentation des investissements. Ces sommes doivent concerner les infrastructures portuaires ainsi que les connectivités routières et ferroviaires.
Comprendre les marchés et les besoins
Dans ce cadre, l’institution bancaire Fidelity Bank a rappelé que les mécanismes de financement existent. Les liquidités sont là et les solutions en PPP proposent des facilitations financières pour accélérer la modernisation d’infrastructures. Pour cela, il est essentiel de comprendre les marchés et leurs besoins pour déterminer et prioriser les opportunités. À titre d’exemple, au Nigéria, il existe un programme spécial dédié au financement de nouveaux navires pour servir le trafic domestique. Ce type de fond est en place pour encourager les opérateurs maritimes et les armements nationaux à déployer de nouvelles capacités qui soient en phase avec les besoins identifiés de commerce maritime domestique.
Peu de navires pour servir les intérêts africains
Cependant, il ressort du constat global que d’un côté, le continent dispose de plusieurs pays d’enregistrement international des navires. Une aubaine pour créer des flottes locales. D’un autre côté, « très peu de navires sont opérés sous pavillon de pays africains par des intérêts africains pour servir les marchés africains », indiquent les membres de l’AGPAOC.
Développer des flottes africaines
Alors, il est devenu nécessaire de donner à la Zlecaf les moyens de déployer de nouvelles flottes africaines. Elles doivent être financés par des capitaux et des investissements africains. Ces flottes doivent améliorer la connectivité maritime et logistique du continent. Une position partagée autant par de potentiels investisseurs africains que par les observateurs qui « dénoncent des organisations de transport maritime qui ne servent pas nécessairement les intérêts de consommateurs africains. »
Le poids de la sécurité maritime
Ainsi, outre l’émergence d’une compagnie maritime africaine, le rôle des ports demeure un enjeu important. Parmi les éléments de réponse, le poids de la sécurité reste un élément majeur. Or, aujourd’hui, les actes de piraterie se développent dans le golfe de Guinée. Les autorités nigérianes déploient des moyens modernes de surveillance et de protection. « L’enjeu est essentie. La sécurité des routes maritimes doit être vue de manière collaborative entre les États membres pour que la Zlecaf se déploie sur les espaces maritimes », a rappelé Jean-Marie Koffi, délégué général de l’AGPAOC.
Se préparer pour mieux assurer la fluidité logistique
Pour d’autres États, à l’image du Gabon, la Zlecaf doit aussi être appréhendée dans une vision de préparation. Elle concerne le gouvernement, les acteurs économiques et les investisseurs privés. Pour répondre à cette exigence, Libreville a institué une commission nationale pour la facilitation des échanges dès 2018. Son rôle est de mettre en place des mesures pour assurer la fluidité des chaînes logistiques. Parmi les points essentiels pour réussir l’entrée dans la Zlecaf, le Gabon prévoit de former les acteurs économiques.
La formation, un socle indispensable
« Ces formations doivent être interactives entre le port et la douane en particulier », a rappelé un responsable des ports du Gabon. La formation des élites est le socle indispensable de la construction opérationnelle de la Zlecaf. Les ports membres doivent renforcer le pouvoir de l’AGPAOC, soulignent les responsables de l’organisation. Ils doivent se servir de cette structure pour structurer une coopération indispensable. En effet, l’objectif est d’aligner des stratégies portuaires et de meilleures pratiques dans la Zlecaf.
Éviter les surcoûts logistiques
Cependant, la Zlecaf n’est pas entrée en vigueur récemment. Depuis trois ans, elle s’applique. Alors, pour la direction générale du Port autonome d’Abidjan, les défis sont majeurs et les retards s’accumulent. C’est 100 Md$ qui sont estimés pour que les 40% des africains qui sont totalement isolés sur le continent soient inclus dans la dynamique du commerce intra-africain. » Le directeur général du PAA, Hien Hsié, rappelle que les maillages infrastructurels et les barrières administratives sont des contraintes fortes mais encore faut-il que les producteurs africains produisent des biens qui soient commercialisables et compétitifs. « Les surcoûts logistiques demeurent des barrières. Il faut interconnecter tous les modes de transport pour que les flux locaux deviennent des flux continentaux », souligne le responsable du PAA.
Ne pas omettre les États insulaires
De plus, l’Afrique de l’Ouest et du centre se compose aussi d’États insulaires. Ainsi, le gouvernement du Cap Vert rappelle que le développement socio-économique dépend entièrement des connectivités aériennes et maritimes. En outre, les États insulaires sont confrontés en première ligne par les changements climatiques. Cela représente « des surcoûts astronomiques à inclure dans les équations économiques des modèles maritimes et logistiques », indique un responsable du gouvernement de Praia.
La Zlecaf doit intégrer les corridors
Outre les différents éléments exposés, la Zlecaf ne doit surtout pas se cantonner aux seules interfaces portuaires comme l’exprime la Namibian Ports Authority. Elle revient sur les capacités structurantes des corridors de transport, véritables artères de connectivités entre les territoires les plus reculés et les zones côtières. Ainsi, selon l’autorité portuaire namibienne, les routes asphaltées ne relient pas 40% des populations africaines. La Zlecaf passe par un maillage infrastructurel qui exige des centaines de milliards d’euros d’investissements. Dans le même ordre d’idée, le Port autonome de Dakar rappelle l’importance de la desserte des pays enclavés. Elle passe aussi par des investissements à prendre en charge par l’État. Alors, ports secs frontaliers et réhabilitation du corridor ferroviaire sont soutenus directement par l’autorité portuaire. Elle souhaite ainsi stimuler les échanges avec les potentiels sahéliens.
La digitalisation au service du commerce africain
Enfin, au cours de cette conférence, les intervenants ont rappelé l’importance de la digitalisation. La dématérialisation des procédures et la digitalisation constituent des solutions technologiques majeures. Ces procédures doivent être massivement déployées dans les ports dans une vision radicalement communautaire. Cet argument de la digitalisation revient dans plusieurs exposés. Les intervenants rappellent qu’il est impératif de se doter de solutions de type Port Management System (PMS), Port Community System (PCS) ou encore de GUCE (Guichet Unique du Commerce Extérieur). En effet, la Zlecaf s’impose comme une initiative politique. Elle doit amener plus de digitalisation portuaire, maritime et logistique. Ainsi, elle doit le faire, ont rappelé les intervenants, dans des cadres standardisés. Cependant, il faut tenir compte des spécificités locales et des héritages issus de pratiques où le «tout–papier» a longtemps présidé.
Source AGPAOC